ALGER, ESPRIT PANAF
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ALGER, ESPRIT PANAF

La pandémie du Covid-19 avait créé un trou d’air, par deux années d’absence. Le Salon International du Livre d’Alger (SILA) signe son retour, au grand bonheur des lecteurs qui s’y sont pressés en nombre. Retour sur cet événement tant attendu par l’un de ses invités, l’écrivain mauritanien Bios Diallo.  

                                                                                         ALGER, ESPRIT PANAF                                                                                         

Par Bios Diallo

Le Palais des expositions a accueilli du 24 mars au 1er avril 2022 la 25e édition du Salon International du Livre d’Alger (SILA). Pendant une semaine, dans les allées, amis et familles ont pris d’assaut les livres, entre les enseignes des maisons d’édition, les institutions diplomatiques, avec l’Italie comme pays invité, et les portails de ministères.

Soutien aux acteurs de la filière

On a mesuré le succès de l’un des plus grands événements de la région. Une raison peut-être, à cet élan : « Pour ce retour post-pandémie, l’État a tenu à inciter à la lecture par un soutien manifeste aux acteurs de la filière, informe Hacène Mendjour directeur du livre au Ministère de la Culture algérien. Nous avons beaucoup communiqué notamment sur l’exonération de la location des stands. À quoi ajouter les mesures toujours accordées au livre lui-même. Le résultat est la présence, à cette 25e rencontre, de 36 pays et 1250 maisons d’éditions. Nous avons, également, renforcé les ponts avec l’Afrique pour une coopération Sud-Sud plus élaborée. Le stand Esprit Panaf, installé au cœur de l’événement, en est l’illustration ».

Un salon du livre est une foire d’écrits et de circulation de pensées : « Prenez ce livre, madame, il pourra faire votre bonheur, lance Farda. L’auteure, avec une belle maîtrise de son sujet, est sur tous les plateaux télé et radio.» Une criée bien incitative. « Les salons offrent des opportunités, soutient Samia, une doctorante en sociologie. On y découvre des éditeurs discrets avec des productions qu’on verrait rarement en grandes librairies. Et, souvent, une conseillère éditoriale peut nous expliquer un détail et nous désigner même du doigt l’auteur présent sur un stand ! »

Lettres africaines

Il y a aussi les regards figés. La romancière Lyndia Chouiten, Grand Prix Assia Djebar en 2019 pour son roman Une valse (Casbah éditions), balaie d’un revers de plume les opinions voulant cantonner les femmes aux récits à l’eau de rose. « Nous pouvons nous saisir de tous les thèmes, martèle-t-elle entre deux signatures de son nouveau livre, Des rêves à leur portée. Que toutes celles qui ont des dons pour l’écriture aillent aussi loin qu’elles le pourraient. On ne doit plus nous dicter, imposer quoi que ce soit ! » Elle est à sa place à l’évènement.

Cette 25e rencontre du Sila, c’est la présence de 36 pays

et 1250 maisons d’éditions, aussi le renforcement des ponts

avec l’Afrique pour une coopération Sud-Sud plus élaborée

et le stand Esprit Panaf, installé au cœur de l’événement

« Je suis content de voir autant de monde, dit Sofiane Hadjadj, le directeur des éditions Barzakh. Nous étions inquiets, du fait de la Covid et de la tenue du SILA à la veille du Ramadan, mais là non ! Les visiteurs sont curieux de tout. De La plus secrète mémoire des hommes, Mbougar Sarr (Prix Goncourt 2021) aux nouveautés de Kamel Daoud ou Meïssa Bey, avec également un engouement pour les productions féminines ».

Au SILA, une place particulière est accordée à l’Afrique et qui s’incarne dans l’«’Esprit PANAF » (pour panafricain), « un salon dans le salon », selon l’universitaire algérien Benaouda Lebdai, aux commandes de ce stand créé en 2009, soit dès la deuxième édition, dans le but de mettre en avant les échanges interafricains, valoriser la littérature et la culture du continent.

Tout au long de la semaine, le « toit-Afrique », comme dira un intervenant, n’a pas désempli. Les visiteurs y sont venus à la rencontre des textes et des voix des littératures du Sud. Venus pour échanger, sans retenues, avec des acteurs culturels et intellectuels venus du Sénégal, du Tchad, du Mali, de la Mauritanie, du Congo, du Togo et bien sûr d’Algérie. J’y figurais parmi d’autres écrivains, mais aussi des blogueurs ou encore des critiques du 7e art : Sissi Ngom, Diadié Dembélé, Sami Tchak, Mahamat-Saleh Haroun, Réassi Gangoueus, Akli Tadjer, Abderrahmane Khélifa, Amina Bekkat, Youcef Immoune, Ahmed Bedjaoui, pour ne citer que ceux-là.    

Pour le jeune écrivain malien Diadié

Dembélé, « ce type d’événement, au-delà de sa richesse

littéraire, par des questions naïves et pertinentes

interroge nos liens, notre vivre-ensemble.

Ce qui permet de lutter contre des stéréotypes »

Horizons de relèves  

Des littératures postcoloniales aux crises que traverse le Sahel, en passant par la restitution des objets d’arts spoliés à l’Afrique, le Panaf a abrité de riches débats. « Nous avons entendu de belles contributions, reconnait Benaouda Lebdai, auteur d’Afrique littéraire, Entretiens, Réflexions critiques. Nous avons même bénéficié de paroles venues du cinéma, grâce à Saleh Haroun, qui nous gratifia d’une projection de son film Lingui. Les liens sacrés, sur le quotidien de femmes tchadiennes ». Pour Diadié Dembélé, qui découvrait l’Algérie, « ce type d'évènement, au-delà de sa richesse littéraire, par des questions naïves et pertinentes interroge nos liens, notre vivre-ensemble. Ce qui permet de lutter contre des stéréotypes », poursuit l’auteur du roman Le duel des grand-mères chez JC Lattès (voir nos pages « À lire » du FDM 9).  

Cette 25e édition du Salon international du livre d’Alger a été l’opportunité de faire un focus sur une littérature africaine de plus en plus visible par sa moisson de prestigieux prix : en 2021, le Nobel de littérature au Tanzanien Abdulrazak Gurnah, le Goncourt au Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, le Neustadt à Boubacar Boris Diop ou encore le Goncourt des Lycéens 2020 à la camerounaise Djaïli Amadou Amal pour son roman Les Impatientes. Et comme un salon permet un œil sur les ambassadeurs des lettres de demain, on retiendra du SILA 2022 le Malien Diadié Dembélé et l’Algérien Mohamed Abdallah, qui publie son quatrième roman, Le vent a dit son nom chez Apic éditions. À seulement 25 ans, ils ont les plumes prêtes …

Bios Diallo

Source : Francophonies du monde N°10 Juillet-Août 2022