Hiver 3, Itinérantes traversées
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Hiver 3, Itinérantes traversées

Hivers littéraires des Mauritanides, Itinérantes traversées

Pas de jeu de mots : la 3e édition Hiver littéraire de l’association Traversées Mauritanides a exploré plusieurs champs en une saison ! De Nouakchott à Ouadane où se tenait le Festival des Cités du Patrimoine, en passant par Sélibaby au sud de la Mauritanie, les rendez-vous ont été multiples et intenses. La manifestation a démarré le 1er décembre 2021 au Musée National par une conférence inaugurale sur la « Diaspora », avant de revenir à Nouakchott pour la clôture !

À Nouakchott deux tables rondes, aux approches complémentaires, ont été organisées. La première sous le thème « La diaspora : une réussite à construire ». Animée par le journaliste Bios Diallo, elle a réuni l’écrivain camerounais Paul Dakayeko, le pneumologue Dr. Boubou Camara, le journaliste Hacen Lebatt et Moussa Tall de l’Organisation Internationale de la Migration (OIM). Et la seconde, avec le même modérateur, le 18 décembre au Centre Culturel marocain avait pour sujet « Migration, un monde en mouvements » regroupa Aissata Lam, Directrice Générale de l'Agence pour la promotion des investissements, Souadou Ndiaye, Directrice à l’administration territoriale au Ministère de l'Intérieur, Sidi Ould Soueina, Président de MiFiTT Insitute et Shauna Cameron, Gestionnaire de Projet-Gouvernance de la Migration à l'OIM-Mauritanie.

Les intervenants ont évoqué leurs expériences à l’étranger et expliqué pourquoi, à un moment, chacun décide de son retour pour participer à l’effort de développement de son pays. Cependant, ces décisions de retrouver le bercail relèvent souvent d’un parcours du combattant. Des terrains rarement préparés. Tous ont déploré l’absence de structures d’accueils et d’accompagnements. « Les Mauritaniens de retour au terroir, qu’ils soient cadres ou autres désireux d’investir depuis l’étranger, trouvent peu de balises devant eux », déplore Hacen Lebatt.

Après le Musée National, la Journée Internationale de la Migration, célébrée le 18 décembre de chaque année, a donné l’opportunité de poursuivre le débat avec « Migration, un monde en mouvements ». Là, les organisateurs ont misé sur des parcours et expériences s’inspirant d’espaces francophones (Souadou N’Diaye et Shauna Cameron, études en France) et anglophones (Aïssata Lam et Sidi Ould Soueina aux Usa, Canada et pays du Golfe). De quoi offrir des regards hétéroclites. Les participants ont suivi deux documentaires de l’OIM en faveur des migrants et des membres de la diaspora.

Qu’il s’agisse du débat sur l’immigration, ou la diaspora, les préoccupations demeurent celles de la mobilité, de la création d’emplois et de la réintégration en cas de retour. Il a été question de l’état-civil, notamment de la double nationalité dont la reconnaissance juridique par les autorités mauritaniennes a été saluée par les membres de la diaspora dont c’était l’une des lancinantes revendications. Il a été aussi question des facilités juridiques accordées à la main d’œuvre étrangère en Mauritanie.

« Il est pénible de constater des portes qu’on nous ferme au nez », regrette un intervenant. Un autre poursuit, plus amer : « C’est comme si on nous soupçonnait de je ne sais quoi ! Et pourtant nous ne venons avec aucune prétention, si ce n’est de partager des expériences et connaissances acquises sous d’autres cieux ». L’écrivain et éditeur camerounais, Paul Dakeyo, relativise : « Le fait n’est pas isolé, propre à la seule Mauritanie. J’ai vécu dans plusieurs pays d’Afrique, et presque partout on entend les mêmes regrets, constats. On fait peu de places à ceux et celles qui reviennent chez eux. C’est complexe, mais bon…  Reste qu’il ne faudra pas, pour autant, baisser les bras et attendre essentiellement tout des gouvernants. Non, l’option c’est de ne rien mettre en berne. Investir alors dans ses volontés, quoi qu’il coûte ». Y aller de ses ressources. « Il ne faut pas rêver, lance Sidi Ould Soueïna, Président et fondateur de MiFiTT Institut. Si on vient dans l’optique de s’installer, il faudra venir, non seulement avec des idées, mais aussi un capital financier de départ qui permettra de poser ses bases. Difficile de croire qu’on trouvera une chaise qui nous attend, poursuit-il en riant. Bon, si cela existe, il faudra juste le prendre pour une manne du ciel ! » Un argument de plomb. Des pistes s’offrent tout de même. « Pour attirer, non seulement des étrangers, soutient Aïssata Lam, Directrice de l’Agence pour la promotion des investissements en Mauritanie (APIM), nous opérons des repérages sur la base de projets efficients et porteurs. Nous avons besoin de tout le monde, pour offrir des emplois et booster l’employabilité dans tous les secteurs notre jeune pays », insiste-elle. Car, selon elle, la création d’emplois, qu’elle soit soutenue ou pas contribuera à développer l’économie nationale et à la lutte contre le chômage.   

Ces dernières années, l’État mauritanien a pris conscience de l’importance de sa diaspora. D’où la révision en cours de la Stratégie nationale de la migration en collaboration avec l’Organisation Internationale de la Migration et le Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation afin de prendre en compte cette dimension. Experts du Ministère des affaires étrangères, de la Coopération et des Mauritaniens de l’Extérieur et ceux de l’OIM peaufinent différentes stratégies. C’est dans ce cadre que Dr. Boubou Camara, pneumologue qui exerçait au CHU de Grenoble en France, a été approché. Et c’est en pleine crise de la pandémie Covid-19 qu’il décida de venir soutenir ses collègues de la santé en Mauritanie. « Face à cette maladie nouvelle, avec des urgences de toutes parts, et voyant que la Mauritanie n’a pas les mêmes moyens que la France, j’ai alors fait le choix d’être sur le terrain ici », soutient-il. Après plusieurs engagements aux côtés de l’OIM et de l’OMS, Dr Boubou Camara a été nommé en novembre 2021 Directeur de la Médecine Hospitalière au Ministère de la Santé. « Nous sommes, souligne Shauna Cameron, très heureux de voir que les projets que nous menons avec différents services de l’Etat aboutissent à des intégrations de ce genre. C’est réconfortant, encourageant pour nos divers appuis ». L’Agence pour la promotion de l’investissement s’active aussi en vue d’encourager ceux qui le voudraient à investir en Mauritanie. Du côté du législateur aussi on observe des lignes qui bougent. « La législation a été beaucoup assouplie, renseigne Souadou N’Diaye. Non seulement avec la double nationalité est désormais admise, mais aussi à d’autres mesures coercitives qui décourageaient beaucoup dans leurs démarches sur tel ou tel papier ». 

 C’est sur ces riches échanges, qui ont vu la présence de plusieurs cadres, intellectuels, amoureux des lettres, professeurs, élèves et étudiants que les rideaux sont tombés sur la 3e édition de l'Hiver Littéraire des Traversées Mauritanides après des périples ayant de Nouakchott à Ouadane en passant par Sélibaby. Un cocktail a maintenu le public dans le hall du Centre culturel marocain, plus d’une heure après les derniers mots ! « L’Hiver Littéraire #3 passe la main, dit Bios Diallo, directeur des rencontres.  Merci aux partenaires, et Meilleurs vœux 2022 à tous et toutes », conclue-t-il. 

 

                                                                                                                                                                           Cheikh Aïdara