Sebkha, Elus sous la Khaïma !
Lundi dernier, l’Association des Gestionnaires pour le Développement (AGD) a brisé la glace lors du 3e rendez-vous de Sous la Khaïma à Sebkha. Etre face aux élus était un beau prétexte pour évoquer les missions des autorités et les attentes des jeunes. Comme toujours, AGD a fait appel à des intervenants de choix : Aboubacar Soumaré dit Aka, maire de Sebkha depuis septembre dernier, Saïdou Kane Conseiller régional, Yaghouba Kibily Diakité Président du Conseil communal de jeunesse de Sebkha et Bacary Guèye journaliste. Lisa Washington-Sow, Chargée des Programmes de l'USAID en Mauritanie qui finance le projet EMELI par le biais de l’OIM dira : « Je suis heureuse de voir des élus répondre à une demande de dialogue des jeunes. C’est une preuve d’ouverture d’esprit et de transparence dans vos démarches. Je ne doute pas alors que les débats seront riches », dit-elle. Dès l’entame, les maux de la jeunesse sont posés : les jeunes comme réservoir électoral, la marginalisation, la délinquance qui la mine… Il apparait que la place laissée aux jeunes dans les organes de l’Etat est minime. Avec un monopole des décisions par les générations plus âgées, les jeunes se disent être réduits à une stigmatisation récurrente. Beaucoup se tournent alors vers des cellules associatives comme recours. Selon plusieurs sources, la moitié des 18-24 ans est exposée à un chômage endémique. Inquiétant pour une population où les - de 25 ans représente près de 65%. La jeunesse a alors mauvaise peau. Pourtant, il est prouvé que le tissu associatif porté par les jeunes peut apporter un réel plus. Ne serait-ce qu’à travers la mise en place de conseils communaux de jeunesse dans certaines capitales régionales. Les jeunes reprochent aux élus de ne pas les associer, de ne pas tenir compte de leurs attentes dans les questions qui les concernent, malgré leur dynamisme. Les différents intervenants campent les décors, avec la commune de Sebkha comme laboratoire. L’éducation comme la sécurité ou encore l’insalubrité sont analysées sous des angles sincères. Et puisque les panélistes ont tous un ancrage dans la ville hôte, les exemples ne manquent pas pour illustrer les faits. Depuis son élection, le maire Aboubacar Soumaré tente d’être proche de sa population. Et pas que sur les terrains politiques. Comme lorsqu’il participe à des journées d’assainissement ou à des campagnes de sensibilisation contre l’échec scolaire, aux côtés des parents et du corps enseignant. «Ce que je fais là, pour le bien-être des jeunes et des populations, est ce pourquoi nous sommes élus», dit le maire. En jeune de son époque, le maire dispose d’une page Facebook à travers laquelle il dialogue avec les gens de sa ville, répond à leurs questions, expose les projets qui marchent ou pas de la commune, sans langue de bois. Opter pour l’intransigeance et la transparence, c’est aussi se mettre à dos des mécontents. La preuve : « Cet individu devant vous doit commencer par balayer devant sa porte », dit un homme soigneusement habillé et qui se définit comme un ancien employé de sa mairie. Déterminé dans son propos, il poursuit : « Ce Monsieur est injuste, et sans respect pour ses employés. Je peux vous dire que sa parole n’est nullement crédible.» Silence glacial. Questions et contributions du public se poursuivent. Puis le maire se tourne vers ses collaborateurs, venus l’accompagner : « Je suis heureux d’avoir en face un interlocuteur, dit-il avec le sourire. La parole est un droit, la morale un fait sacré. Ce Monsieur, que vous venez d’entendre, fait parti des employés qui n’ont jamais été présents mais payés. Ce que la Cour des Comptes de la République a dénoncé à travers plusieurs écrits. Sauf que par de multiples complaisances, on ferma les yeux. Nous, après un état des lieux, nous avons dit Stop ! Ce que lui et d’autres gagnaient indument, nous l’avons investi dans la formation de plus d’une centaine de jeunes dans divers métiers. Vous pourrez vérifier avec les concernés. Puisque, malgré les difficultés, nous voudrons investir dans l’avenir de nos jeunes, au-delà de toute considération politique ou autre.» « Pour des gens honnêtes, ceux qui viennent apporter un plus ou demander un service dans nos compétences, mon bureau est ouvert, poursuit-il. Mais je ne suis pas seul. Mes conseillers, dévoués, sont là aussi. On doit leur faire confiance.» Sur la question des ordures, le maire précise : « Les ordures, depuis 2006, ne relèvent de la responsabilité de la CUN qui sous-traite avec qui elle veut. Alors je refuse d’y investir le moindre ouguiya, puisque d’autres ont reçu de l’argent pour cela. Cela dit, nous voudrons confier la collecte primaire des ordures à des PME gérées par des habitants de la commune. Cela permettra de créer des emplois et de responsabiliser les habitants.» Le maire évoque aussi le recensement fiscal de la commune, lancé depuis le 22 avril, dont le but est d’inventorier les activités professionnelles. Au-delà d’une de base de collecte de taxes, cela servira aussi de cartographie pour tous ceux qui s’intéressent aux activités du territoire. Reprenant la parole, Saidou Kane dit que s’éloigner des instances crée des malentendus. « Les jeunes attendent souvent qu’on vienne leur dire prenez ceci, faites cela. Non, vous devez arracher les choses par votre volonté, dit-il en fixant un groupe. Nous, nous battions, avec le langage et les armes de la compétence. Vous en êtes capables. Et qu’il s’agisse des communes, du Conseil régional, même si celui-ci vient de naître avec des contours encore à mieux définir, et même en plus haut lieu, il y a des choses à prendre. Agissez, soyez audacieux !» Pour Bacari Guèye, il faut nuancer : « Il y a des blocages. Les jeunes sont ambitieux, mais des caciques ne veulent rien lâcher ! Si par la poigne on obtient ce qu’on veut, il faudra aussi revoir les structures de nos politiques. Voire de nos dirigeants.» Sebkha est aussi une commune populaire. Avec des espaces difficilement accessibles, à l’image des écoles et centres de santé envahis par des commerces de tous genres. « Un vrai casse-tête pour nous, dit le maire. Le dispensaire est devenu un centre de risque. Les véhicules d’urgence peinent à avancer avec les malades, des femmes accouchent en pleine rue, entre des étales. C’est dramatique. Nous y travaillons. Le président de la République a marqué une bonne écoute lors de nos rencontres avec lui. Il n’est pas exclu que le Centre de santé soit déplacé ailleurs. Que de nouvelles infrastructures naissent aussi, notamment des voiries.» Les élus sont aussi interpellés sur l’insécurité et la question des étrangers. Pour Yaghouba Kibily Diakité, Président du Conseil communal de jeunesse de Sebkha un réseau qui regroupe plus de 30 associations, les défis sont ailleurs : « Certes l’insécurité existe, mais nous jeunes avons aussi nos partitions à jouer. Nous pouvons faire du porte à porte, pour sensibiliser nos familles, que celles-ci soient vigilantes. Qu’on sache qui notre enfant fréquente, quels liens éviter. Puis que les jeunes trouvent des occupations, à travers leurs études, formations, et même des espaces de loisirs. Le désœuvrement, qui mène à des dérives, est un syndrome contre lequel il faudra lutter.» Sur la « présence migrante », Ladji Traoré, acteur politique, va plus loin : « Nous sommes en Mauritanie et savons le regard méprisant qu’on porte sur ceux qu’on appelle les étrangers, surtout quand ils sont Subsahariens. Moi j’exhorterai les autorités de la commune à faire preuve d’ouverture d’esprit là où l’Etat et les autorités sécuritaires procèdent par l’intimidation et la brimade, pour intégrer positivement ces étrangers qui apportent beaucoup à notre économie. En le faisant, non seulement on exploitera leur main-d’œuvre, mais par la confiance ils créeront des emplois, car du savoir-faire certains en ont.» «Traoré a tout à fait vrai, renchérit Ba Hawa Djibril. Nous devons créer la confiance et nous ouvrir, étrangers ou pas. Car au-delà de l’emploi, cela va renforcer la surveillance dans nos espaces mutuels. Aujourd’hui, passées 19 heures, plus personne ne se hasarde à sortir. Surtout les filles et les femmes. Je félicite par conséquent l’AGD et ses partenaires, USAID, OIM… d’offrir de tels moments d’échanges entre élus et anonymes.» Cette rencontre a prouvé que les dialogues sont possibles. Et que chacun peut veiller sur les actions de l’autre, et au besoin l’interpeller ! Enfin des associations, ayant participé à des campagnes d’assainissement de la ville, se verront décerner des attestations. Bocar Sow