Mauritanie : COVID-19 la Riposte
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Mauritanie : COVID-19 la Riposte

                                                                             MAURITANIE Dossier COVID-19

Chaotique année 2020. Confinement, angoisses, décès, la liste est longue des tourments infligés par la Covid-19, et ce dans le monde entier. Avec d’énormes dégâts collatéraux. En Mauritanie, Gouvernement, société civile et organismes ont mutualisé leurs réponses à la pandémie.

UN MOT D’ORDRE : LA RIPOSTE

En faisant irruption dans nos vies, la Covid-19 a mis à nu nos fragilités. Nous nous croyions invincibles, voilà que tout nous échappe, ou presque. À cause de sa vitesse de contagion, plus de 9 millions de cas ont été signalés dans le monde. Les trains sont à l’arrêt, les avions cloués au sol. On intime des confinements généralisés, on ferme les écoles et entreprises. Comme au temps de la peste ! En attendant de trouver le vaccin miracle, ripostes et résiliences opèrent.

Une initiative transfrontalière

En Mauritanie, l’association « Traversées Mauritanides », qui a coutume d’organiser des rencontres littéraires, se trouve une autre mission : « Face à la situation de panique, dit Cheikh Aïdara, son secrétaire général, nous nous sommes sentis interpelés. Alors, nous avons fait appel à des écrivains, des amis du monde de la culture et autres, pour une vidéo de sensibilisation. À notre grande surprise, tous ont adhéré à l’esprit comme s’il s’agissait d’un évènement littéraire !» Dans ce clip « Stop-Covid-19 » on retrouve des députés, des ministres, des diplomates, des journalistes, le proviseur du Lycée français de Nouakchott, des peintres, les écrivains Sami Tchak et Géneviève Damas, l’activiste Khaly Diallo (fondateur l’association humanitaire la Marmite du partage), l’entrepreneuse togolaise Médissa Sama, Dr Nadège Zégbédé de la Côte-d’Ivoire, la cinéaste burkinabè Apolline Traoré… Tous mettent entre parenthèses les soucis liés à leurs professions et évoquent les gestes barrières, les mesures d’hygiène à observer…

L’État en ordre de bataille

La Mauritanie enregistre à la mi-mars son premier cas testé positif, et fin avril son premier décès Covid-19. L’Etat réagit avec promptitude, et décrète la suspension des prières du vendredi dans les mosquées et celle des échanges inter et intrarégionaux, l’instauration d’un couvre-feu sur l’ensemble du territoire, la restriction des commerces non essentiels, puis la fermeture des frontières avec les pays limitrophes : Algérie, Maroc, Sénégal et Mali. Face à la réticence des populations à respecter les mesures, le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, militaire élu à tête de l’État en août 2019, fait appel à l’armée ! Il confie au ministre de la Défense, le général Hanena Ould Sidi, la coordination du Comité interministériel chargé de la lutte contre le coronavirus. Le directeur de la Santé, depuis le Ministère, tient quotidiennement un point presse sur la situation pandémique. Le ministre, Dr Mohamed Nedhirou Ould Hamed, utilise son carnet d’adresses selon des stratégies saluées par ses pairs. Des brigades d’hygiène et de superviseurs assurent des veilles communautaires afin de circonscrire le virus et  les contagions.

Le Ministère de l'Emploi, de la Jeunesse et des Sports lance des formations de volontaires avec son  programme dit « Wanouna, Ma Patrie ». Ainsi plus de 4000 volontaires, formés aux gestes barrières et l'accompagnement de personnes suspectes ou contaminées, seront déployés sur l'ensemble des régions. « Ces jeunes, retenus dans la plus grande neutralité politique après un appel d’offres, sont appelés à jouer des rôles de relais avec des équipes médicales, dit le ministre Dr Taleb Ould Sid'Ahmed. Une mission difficile, délicate et de sacrifices, car ils seront en première ligne auprès de personnes probablement atteintes, contaminées et confinées chez elles. C’est donc une tâche patriotique qu’ils vont exercer.»

Le rôle des organisations internationales

Dès l’apparition de la Covid-19, le Système des Nations unies et ses partenaires en Mauritanie bouleversent leurs programmes en cours. Mot d’ordre : appui au Gouvernement mauritanien ! « Le pays ne doit pas être laissé seul face à une pandémie dont on sait peu de choses, et qui défit le monde entier », confie un diplomate.

L’ordre de bataille est lancé. Un centre d’appel, le 1155, géré par le Ministère de la Santé et Le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), renseigne et aide à gérer les angoisses des populations. Les organisations onusiennes animent aussi différentes pages de réseaux sociaux où l’on retrouve des informations officielles et utiles. L’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), grâce à un Fonds d’urgence financé par l’Union Européenne, fait venir de France deux médecins mauritaniens de la diaspora : les docteurs Boubou Camara du CHU de Grenoble et Dr Hany Louly Knein de Mulhouse. Après avoir assisté à différents pics de la pandémie en France, ils viennent se joindre aux efforts de leurs homologues qui affrontent pour la première fois une telle crise. Des dispositions sont également prises pour les réfugiés maliens du camp de Mberra à l’est du pays.

Stocks bien tenus et apport de matériel

Lors d’une rencontre à la Centrale d’Achat des Médicaments Essentiels, Matériels et Consommables Médicaux (CAMEC), le Représentant Résident du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) en Mauritanie, Saïdou Kaboré reprécise à nouveau les grandes  lignes : «Nous sommes en urgence sanitaire, dit-il. Ce qui engage le peuple mauritanien nous interpelle. Cette bataille contre la Covid est donc nôtre. Cela dit, ce qui nous réconforte davantage, c’est le fait que les stocks dans le secteur de la santé maternelle néonatale infantile et adolescente, comme dans celui de la santé de la reproduction, ainsi que les autres médicaments de premières nécessités soient présents et bien tenus.» Il faut savoir que l’UNFPA est un des principaux pourvoyeurs de la CAMEC, qui se charge de la redistribution aux autres centres de santé.

Pour sa part, l’UNICEF a remis au ministère de la Santé plus de trois tonnes d’équipements : 11 200 combinaisons, 3 360 écrans faciaux haute résistance, 60 Thermoflash, 1 350 kilos de chlore (HTH), 100 pulvérisateurs (manuels et motorisés) ainsi que des bottes et des lunettes de protection. Il s’agit là d’outils de prévention et de lutte contre les infections dans les ménages et les espaces communautaires à risque (hôpitaux, mosquées, écoles, etc.).

La situation épidémiologique a montré de forts élans de solidarité. Le gouvernement, aidé par ses partenaires, a mis en place un « Fonds Solidarité Sociale » et pris en charge les factures d’eau et d’électricité de 185 000 familles. Partis politiques et société civile se sont également mobilisés. À Nouakchott et à l’intérieur du pays, les associations ont distribué aux foyers démunis des vivres (riz, sucre, huile, lait en poudre), des kits d’hygiène et des produits de protections (savons, gels hydroalcooliques, gants, masques).

Les ambitions politiques ont été mises en berne : «Ce n’est pas le moment de chercher des voix électorales, mais d’assister des vies en danger », a dit Marième Sidibé, militante des droits humains. «En ces circonstances, la conscience de chacun interpellée », dit le conseiller du premier ministre chargé des Affaires sociales, le Dr Bâ Hampâté. Rien n’est à négliger quand il s’agit de prévenir et de sauver des vies humaines. « Tout ceci sera bientôt derrière nous, conclut Cheikh Aïdara, de Traversées Mauritanides. Ensemble nous vaincrons la Covid-19, et l’école, l’économie, le cinéma, la musique et la littérature reviendront sous de meilleurs auspices.»

Bios Diallo

Source : Francophonies du monde N°4 septembre-octobre 2020 : https://www.fdlm.org/supplements/francophonies-du-sud/francophonies-du-monde-n4-septembre-octobre-2020/

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En Mauritanie-comme dans la plupart des pays- La Covid-19 n’a pas épargné les services de l’éducation. Les écoles, grands lieux de regroupements, ont connu des moments de panique. Face aux peurs de contagions du virus, les autorités ont procédé à leur fermeture. Avant que les institutions ne rivalisent d’ingéniosités.

LA NÉCESSITÉ DE LA CONTINUITÉ

Le Ministère de l'Enseignement Fondamental et de la Réforme du Secteur de l'Education Nationale (MEFRSEN) a mis en place une plateforme dite "Mon école à la maison". Destinée surtout aux élèves en classes de sixième année de l’enseignement fondamental, qui est une classe d’examen, elle permet de poursuivre les programmes à domicile ou dans tout autre lieu. Il suffit de disposer d’un ordinateur, d’une tablette, d’un smartphone, d’un poste radio ou encore d’un téléviseur. UNICEF, partenaire de la plateforme, a par ailleurs conçu une BD d’animation mettant en scène Sidi et Fati, deux protagonistes qui expliquent les mesures à suivre sur le site monecole.gov.mr.

Le Ministère a expédié des milliers de livres, avec guides d’exercices, à tous les établissements et des postes radios à des zones isolées non couvertes par l’Internet ou la télévision. Le secrétaire général du MEFRSEN, Idoumou Ould Abdi Ould Jiyid, salue l’appui de l’UNICEF à la famille scolaire et rappelle qu’au matériel pédagogique s’ajoutent quatre véhicules au profit des équipes à l’intérieur du pays. « Nous devons mutualiser nos efforts, et assurer l’avenir de nos enfants», dit Judith Léveillée représentante adjointe de l’UNICEF. « Ces outils, renchérit Sidi Brahim, membre de l’Association des parents d’élèves, nous réconfortent. Nous nous interrogions sur l’avenir de nos jeunes en classes d’examen

Du côté du supérieur

Dès le début de la pandémie, le ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique, des Technologies de l’Information et de la Communication (MESRSTIC), Dr Sidi Ould Salem (voir Entretien) a adressé une circulaire au président de l’Université de Nouakchott Al Aasrya (UNA) dans laquelle il exhorte les enseignants à fournir des versions électroniques de leurs cours et travaux dirigés afin de les mettre en ligne sur le site de l’université.

À la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, le dispositif existait depuis trois ans, indique le président de l’UNA, le Pr Ahmedou Ould Haouba. « Peut-être une anticipation ou le fait du hasard, dit-il. Avec la plateforme Moodle, nous avons formé de nombreux enseignants à la scénarisation pédagogique. Leurs cours sont mis en ligne avec l’enseignement hybride d’un module transversal, le Certicat Informatique. » Du coup, quand apparaît la Covid -et avec lui l’impératif de fermer les établissements-, la faculté n’a plus à opérer que des réajustements.

L’Institut Supérieur de Comptabilité et d’Administration des Entreprises (ISCAE) offre de son côté des espaces d’échanges sur iscae.mr. Sur cette plateforme numérique, personnel administratif, enseignants et étudiants ont tous des possibilités de dépôts et de téléchargements de cours et travaux dirigés grâce à des comptes personnalisés. « Et nous y avons développé des interactivités attrayantes qui motivent nos élèves», souligne son directeur, Dr Moustapha Ould Sidi Mohamed. Les enseignants disposent d’horaires pour des classroom ou classes virtuelles, auxquelles les élèves participent depuis leur lieu de connexion. Pour cela, l’ISCAE a négocié avec des opérateurs de téléphonies mobiles des temps de connexions à prix très réduits.   

Des plateformes pour l’élite

Enfin, l’Ecole Supérieure Polytechnique (ESP) et l’Institut Préparatoire aux Grandes Ecoles d’Ingénieurs (IPGEI) et leurs consœurs des Métiers du Bâtiment, des Travaux Publics et de l’Urbanisme d’Aleg, de la Mine de Zouératt et de la Statistique de Nouakchott ne sont pas en reste.

Sous la double tutelle du MESRSTIC et du Ministère de la Défense, ces établissements de haut niveau assurent des cours sur leurs différentes plateformes. «Et avec une rigueur à laquelle nous tenons, pour la respectabilité », tient à préciser le directeur de l’IPRGEI, Dr Dia Amadou Tidjani. L’IPGEI prépare, en deux ans, aux concours d’entrée aux écoles d’ingénieurs nationales (cycle ingénieur ESP et Académie Navale), françaises, tunisiennes et marocaines. On y accède avec un baccalauréat des séries scientifiques (maths/ physique/science). Les professeurs sont tous des agrégés, autant dire pour élites ! 

Bios Diallo

Source : Francophonies du monde N°4 septembre-octobre 2020 : https://www.fdlm.org/supplements/francophonies-du-sud/francophonies-du-monde-n4-septembre-octobre-2020/

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ENTRETIEN

LE GOUVERNEMENT A ÉTÉ RÉACTIF

Trois questions au Dr Sidi Ould Salem, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche Scientifique, des Technologies de l’Information et de la Communication, Porte-parole du Gouvernement mauritanien.

La Covid-19 a été l'invitée surprise de l'année 2020. Quel a été le plan de riposte du Gouvernement ?

Réactive, avec la mise en place dès le 28 janvier 2020 d’un Comité interministériel de veille. Le pays s’est distingué avant même le premier cas officiellement déclaré, à la mi-mars. Et, fin avril, après avoir enregistré un décès, les mesures ont porté sur la fermeture des frontières, des commerces non essentiels et l’instauration d’un couvre-feu. Puis un programme de sensibilisation offensive a été engagé avec des équipes de santé dotées du matériel nécessaire pour le diagnostic du virus et la surveillance des patients. Les personnes en provenance de l’étranger étaient mises en quarantaine, le temps de l’assurance sur leur état.

La Mauritanie s’est dotée aussi d’un Plan national multisectoriel de riposte avec une préoccupation de veille économique en vue d’atténuer l’impact socio-économique du virus et maintenir l’accès aux services de base, plus une surveillance de nos frontières par l’armée. Le coût de ce plan s’élève à 24 milliard MRU (plus de 643 millions USD).

En tant que ministre de l'Enseignement supérieur, quelles mesures avez-vous prises ?

Les cours en présentiel ont été arrêtés en avril. Puis des stratégies ont été mises à la disposition des établissements d’enseignent supérieur, dont la plateforme en ligne http://www.alecso.org/elearning  de l’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (ALECSO), ainsi que les solutions de Microsoft Teams pour l’éducation et de Google Classroom. Les professeurs numérisent et partagent leurs cours via ces plateformes. Et, pour atténuer l’impact des retards, les dates des examens finaux ont été reportées en septembre. Avant, en juillet, sont organisées les soutenances de thèses et de mémoires de masters. 

Et pour les étudiants, laboratoires de recherches… ?

Des mesures d’accompagnement sont en cours de préparation. Elles porteront surtout sur le renforcement du numérique, avec des abonnements Internet à prix réduits pour les étudiants. Aussi l’organisation renforcée de formations en conception de contenus pédagogiques pour l’enseignement à distance, des évaluations de candidatures et de concours en ligne.

Pour la rentrée universitaire 2020-21, plusieurs mesures sont envisagées. Entre autres, le port obligatoire du masque, le doublement des bus de transport de la ville au campus, mais aussi des aménagements sanitaires pour le lavage des mains et désinfections régulières des espaces communs, salles de cours, halls, terrasses...

Propos recueillis par Bios Diallo

Source : Francophonies du monde N°4 septembre-octobre 2020 : https://www.fdlm.org/supplements/francophonies-du-sud/francophonies-du-monde-n4-septembre-octobre-2020/

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