Traversées Mauritanides, Maison de quartier Cité Plage
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Traversées Mauritanides, Maison de quartier Cité Plage

L’Association Traversées Mauritanides dispose désormais d’une Maison de quartier à la Cité Plage. Dédiée à la culture, et aux actions sociales, c’est un nouveau souffle dans la vie culturelle qui s’offre à Nouakchott.  

                                     Sous sa peau neuve, Traversées Mauridtanides fait sa rentrée  

Les Rencontres littéraires Traversées Mauritanides ont tenu leur 8e édition en décembre 2017. Alors que la 9e messe de ce désormais incontournable agenda se prépare activement, l’Association vient de prendre une maison comme base de ses futures activités à la Cité Plage. Dénommée Maison de Quartier, il s’agit là d’un défi que les organisateurs comptent relever. 

Dans un pays ancré dans de fortes traditions orales, et où n’existent que deux maisons d’éditions, la Librairie 15/21 et Joussour/ Ponts, les espaces de rencontres culturelles sont tout aussi absents. Mais il n’en demeure pas moins que des initiatives, portées à bras le corps par des individualités, œuvrent avec les moyens du bord. C’est le cas pour l’Association Traversées Mauritanides. Créée en 2006 par le journaliste et écrivain  Diallo Moussa dit Bios, cette organisation travaille depuis sans relâche à convaincre de la possibilité de donner des traditions d’ouvertures et de brassages. Timidement l’homme, par son carnet d’adresses enrichi par un long séjour en France et de visites de par le monde, a su fédérer d’importantes énergies autour de lui.

2010, une année de départ

En 2010, après une lucide observation de la scène littéraire nationale, Bios Diallo songe à un autre défi : "J’ai, dit-il, constaté que l’on connaissait peu de choses sur l’existence de la littérature mauritanienne et des auteurs résidents au pays. L’idée m’est venu alors de créer des rencontres qui permettraient aux écrivains, et personnalités de la culture, de se retrouver", poursuit-il. Mais, pour créer de l’émulation, il ouvre la porte à des auteurs ayant de la visibilité, pour ne pas dire de la notoriété dans les lettres ailleurs. D’abord les pays limitrophes à la Mauritanie. Ainsi, en venant découvrir en chair et en os de talentueux écrivains, les lecteurs croiseront en même temps des homologues de ceux-ci dans leur propre pays. Voilà comment, en décembre 2010, se tient la première édition sous le parrainage du Sénégalais Cheikh Hamidou Kane, auteur du célèbre roman L’Aventure ambiguë.

          Le dispositif scolaire

La machine est depuis lancée, sans interruption, malgré des moyens qui font souvent défauts. Et pour les organisateurs, littérature rime avec scolaires. Plusieurs écoles, publiques et privées, sont mises dans le dispositif pour recevoir des visites d’écrivains. Pendant une semaine, auteurs nationaux et étrangers sont conduits dans des activités de proximité : les matins, les écrivains interviennent en milieux scolaires (écoles et universités); conférences les après-midis, puis en soirées, Slam, poésie et théâtre pour les noctambules. Les rencontres se déroulent en français, arabe, anglais (à l’université et à l’Iseri), avec des clins d’œil en langues nationales (pulaar, soninké et le wolof).

Les thématiques se succèdent avec appétences lors des différentes éditions : Maghreb-Afrique des cultures en partage (2010), Ecrits et mémoire (2011),  Ecrits et cris (2012),  Migrations et voyages (2013),  Diaspora, Entre écriture et identities (2014),  Littérature et identities (2015), Villes, murmures d’écrits (2016), Ecrits, sourires de vies (2017). Et de belles brochettes d’auteurs : les Sénégalais Cheikh Hamidou Kane, Boubacar Boris Diop, Ken Bugul, Felwine Sarr, Alpha Sy, Coudy Kane, Sokhna Benga, Nafissatou Dia Diouf ; les Marocaines Halima Hamdane, Lamia Berrada, Siham Benchekroun ; les Maliens Ousmane Diarra, Intagrist Al Ansari ; les Tunisiens Samir Marzouky, Sophie Bessis ; l’Algérien Yahya Belaskri ; l'Ivoirienne Marguerite Abouet ; le Togolais Sami Tchak ; les Américains Juliette S Blalak, Eddy Harris ; les Français Karim Miské, Jean-Pierre Valentin, Laetitia Beaumel, Jean Rolin, Bernard Magnier, Sophie Caratini, Marie Ruggeri, Françoise Dexmier ; l’Haïtien Louis-Philippe Dalembert et le Tchadien Noël Ndjékéry. Tout comme il faudra noter la présence de différents Prix des Cinq continents de la Francophonie : la Belge Geneviève Damas, le Mauricien Amal Sewtohul, la Tunisienne Faouzia Zouari…

 

Certes ces auteurs sont visibles, et font le bonheur de ceux et celles qui viennent les voir après avoir lu leurs livres, mais l’objectif principal reste de faire connaître les nationaux qui publient abondamment malgré le silence qui entoure leurs parutions. "La littérature du pays est abondante, soutient Bios Diallo. Reste à lui donner la visibilité nécessaire, car elle ne nourrit franchement aucun complexe". Voilà qui encourage à poursuivre les œuvres des Tène Youssouf Guèye, Ousmane Moussa Diagana Moussa Diagana, Oumar Bâ, pour ne citer que les francophones. La nouvelle génération, avec ses prometteuses plumes, s’appelle Mbarek Beyrouk (Prix Ahmadou Kourouma 2016), Abdoul Ali War, Moussa Ould Ebnou, Harouna Rachid Ly, Ghassem Ould Ahmedou, Abderrahmane Ngaïdé, Mamadou Kalidou Bâ, Brahim Bakar Ould Sneïbe, Marième Derwich, Bios Diallo, Idoumou Ould Med Lemine Abass, Aïchetou Mint Ahmedou, Djibril Zakaria Sall, Mamoudou Lamine Kane, Oumar Diagne, Aïchetou, Antonia Barbosa Fortes. Sans oublier les universitaires et critiques littéraires : Mbouh Séta Diagana, Mohamed Ould Bouleïba, Mahjoub Ould Boye, Mamadou Ould Dahmed, Mohamed Ould Hdana, Bilal Ould Hamzata, Mohamed Lemine Ould Moulaye Brahim…

                                                            Une maison et des diversités

En septembre dernier, sous les encouragements du parrain le Professeur Cheikh Saad Bou Kamara, l’Association Traversées Mauritanides franchit un autre pas dans ses ambitions : l’ouverture d’une Maison de quartier à la Cité Plage de Nouakchott. Dotée d’une bibliothèque (dédiée aux défunts Ly Djibril Hamet et Saïd Ould Hamody qui avaient toujours cru au projet et l’ont soutenu), d’une salle polyvalente et autres pièces pour divers usages. La Maison de quartier aura à accueillir des conférences sur la littérature, la musique, le cinéma, le genre, la société, l’éducation, mais aussi des ateliers d’écriture, de contes, de slam, de théâtre, de projections de films, de BD pour les enfants.

Dans un contexte où la lecture peine à s’imposer à cause des nouvelles technologies, et où la déperdition scolaire et de nouvelles violences menacent la jeunesse et d’autres esprits fragiles, cette Maison de quartier ne peut être qu’une bonne initiative. Sans oublier que dans ce pays multiculturel, où les replis identitaires sont souvent à fleur de peau, un tel espace participera sans aucun doute au renforcement des diversités, des mixités. Des écrivains, sociologues, anthropologues, éducateurs sociaux, artistes (peintres, comédiens, réalisateurs) seront mis à contributions pour des animations dans toutes les langues, en vue de renforcer un meilleur vivre-ensemble et l’ouverture à l’Autre. Et, en plus de l’occupation de la « ville », des actions pourraient être portées dans différents quartiers des moughataas de la capitale et des régions de l’intérieur du pays.

Avec l’ouverture des classes, ils sont nombreux les riverains qui poussent la porte du siège flambant neuf, pour s’informer qui des modalités de visites, qui des documents susceptibles d’intéresser leurs enfants, si ce n’est simplement sur les fréquences des débats et échanges futurs.

Une équipe renforcée a été mise sur place autour des porteurs du projet novateur : Annabelle Maillard, Aïcha Janeiro et Ahmed Ould Mohamed Salem ont à charge les animations littéraires ; Tall Mamadou, Cheikh Konaté, Babi Sarr, Moulay Aly Ould Moulay Aly et Elimane Kane de l’éducation et des loisirs ; Maya Camara, Hawa Dia et Tombé Diarra des questions relatives au genre. Et le site Internet http://traversees-mauritanides.com/ connaît une mue avec de nouvelles fenêtres d’actualités qui seront portées par Cheikh Aïdara, Aliya Abass, Bill Gabar et Bios Diallo. C’est désormais là qu’il faudra surveiller les actualités culturelles et sociales du pays, mais aussi d’ailleurs grâce la rubrique Correspondance.

Si la structure  bénéficie de l’appui traditionnel du Ministère de la Culture, de l’Organisation Internationale de la Francophonie, des ambassades de France et des Etats-Unis en Mauritanie, de l’Alliance Franco-mauritanienne, de l’Unicef et de Kinross, il reste que les soutiens sont si faibles que les équipes se retrouvent souvent dans l’incapacité d’exécuter leurs nombreux projets, menant à la déprogrammation de certaines activités. Avec la Maison de quartier,  la demande sera sans doute plus forte. Alors mécènes, manifestez-vous !

Cheikh Aïdara