Avec Ken Bugul
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Avec Ken Bugul

Mon instant avec Ken Bugul, le 15 janvier 2015 au Goethe Institut de Dakar

Ken Bugul, écrivain de renommée internationale, de son vrai nom Mariétou Mbaye, est née en 1947 à Malem Hodar dans le Sine Saloum au Sénégal. C’est avec elle que j’ai eu le privilège de passer un beau moment. Une belle soirée au cours de laquelle Mariétou a raconté pourquoi elle a commencé à écrire et ce qui la pousse à continuer. Au début écrire était une nécessité pour elle; il fallait écrire. Après sa trilogie biographique, elle a expliqué qu'elle voulait mettre un terme à l’exercice, et avait même arrêté. Puis un jour, l’écrivain Boubacar Boris Diop lui lance une sorte de défi en lui disant quelque chose comme "il fallait pas commencer". Et alors elle a recommencé...

Quant à la Cacophonie, son dernier livre et objet de la rencontre, son message est tout simple : aller toujours au delà des acquis, se remettre en question sans cesse. Autrement dit, titiller les convictions, sans être sûr de rien. Ça me fait penser à Karl Jaspers qui dit que "faire de la philosophie, c'est être en route; les questions sont plus importantes que les réponses; et chaque réponse devient  une nouvelle question". Mariétou abonde dans le même sens, nous invite à être toujours dans une dynamique et à éviter toute sorte de cloisonnement...

Par ailleurs, elle a dit que sa meilleure amie avec qui elle partage ses réflexions les plus profondes est la journaliste et écrivaine Aminata Sophie Dièye. De longs moments d’échanges, francs et enrichissants. Autrement dit, une forte complicité lie les deux intellectuelles qui ne rechignent à aucun sujet et tiennent à leur liberté comme à la prunelle de leurs yeux ! 

Ken Bugul dira, par la suite, que parmi les hommes ayant compté dans sa vie son père, qu’elle n’hésite pas à appeler grand-père (ce à quoi elle a cru d'ailleurs jusqu'à l'âge de 11ans, à cause de leur différence d’âge), qu'elle adore et qui la gâtait. Celui-ci avait déjà 85 ans à la naissance de Ken Bugul et est décédé à 108 ans ! Avec l’humour qui lui est propre, elle évoque aussi son grand frère fragile qu'elle aime et sait bien manipuler.

Il y a aussi cet humour qui la caractérise, quand Mariétou s’adresse à son auditoire.  Elle le dit : elle veut se marier, si elle trouve un homme d'au moins soixante quinze ans ! Puis, ce dernier devra posséder un bateau et qu'elle puisse aussi le manipuler, l’admirer et qui la gâte en même temps ! Elle met haut le bouchon, non?! Moi j'ai simplement dit huummm, une combinaison presque impossible ! Mais comme on n'est jamais sûr de rien, nous lui souhaitons bonne chance à Ken !

Revenons à son péché mignon : l'écriture. L’exercice lui est vital. Pour Mariétou les matériaux sont les formes, les couleurs qu’elle marie, la musique qu’elle ne se lasse d’écouter, la lumière qu’épouse chaque écriture… Pour Cacophonie, dit-elle, le temps était celui du matin et son prétexte celui de l'enferment d'une veuve -Sali- qui se surpasse grâce ou à cause de sa solitude. Sali croyait que sa belle famille l'aimait puisque celle-ci lui avait offert un bout de "canari où poser ses fesses". A partir de ce moment, elle croyait qu'elle était aimée et a manqué de vigilance jusqu'au jour où elle comprend qu'elle était plutôt exploitée et alors bonjour les remises en cause et questions !

Mais ce n'est pas tout, parce que Ken Bugul "fait du racolage" quand elle écrit et ne manque jamais l'occasion de casser du politique surtout contre les menteurs et détourneurs de deniers publics... Elle a parlé également de l'exploitation des jeunes, de l'immigré "passeur" qui plume les candidats désespérés, entre autres sujets.

Voilà un peu le beau moment que j’ai passé à écouter Mariétou Mbaye au café littéraire de Goethe Institut animé par Mme Bouya Fall et Dr Jeismann, directeur du centre, comme modérateur.

 J’ai apprécié la femme cultivée, spontanée, chaleureuse et entière, rebelle et terrible à la fois et qui ne fait pas dans la langue de bois. Ken Bugul, si personne n'en veut, moi j'en veux et en redemande !

                                                                                                        Ndèye Codou FALL, Dakar (Sénégal)

Plus loin avec Ken Bugul

Cacophonie, Ed Présence Africaine, 2014

Mes hommes à moi, Ed Présence Africaine, 2008

La Pièce d'or, UBU Editions, 2006

Rue Félix-Faure, Hoëbeke, 2005
De l’autre côté du regard, Serpent à Plumes, 2004 et 2003
Riwan ou Le chemin de sable, Présence africaine, 2001
La folie et la mort, Présence africaine, 2000
Cendres et braises, L’Harmattan, 1994

Le Baobab Fou, Nouvelles Editions Africaines, 1982

                                                                                                                                                                                                                  Ndèye Codou FALL, Dakar (Sénégal)